Après avoir erré quelques minutes dans les sombres couloirs du pensionnat, sortant tout juste de l'entretien qui venait de le sacrer prof de sport et donc employé, il avait cherché le quartier de ces derniers. Il l'avait non sans mal dégoté, sans croiser personne d'ailleurs. Faut croire qu'on l'évitait.
Shinichi sortit la clé de sa poche et la fit cliqueter dans sa main, la regardant tel un trésor gagné après des années de labeur, une lueur étrange dans les yeux. C'était comme la clé du paradis, lui ouvrant les portes sur un univers inconnu mais surement meilleur que celui d'où il venait. Et c'est avec des images de nuages et de ciel bleu (représentant le paradis, pour ceux qui ne suivraient pas) qu'il introduit ce bout de métal si précieux (non non, elle n'est pas en or) dans la serrure. Il n'avait jamais eu de clé, ni d'endroit à lui. Il retint son souffle et tourna la clé dans la serrure, puis la poignée, et poussa enfin la porte.
Ses yeux s'ouvrirent en même temps que la porte, et il expira lentement devant ce qu'il venait de découvrir.
Une chambre. Mais pas n'importe quelle chambre. Non, sa chambre. La sienne à lui tout seul. Et elle était grande. Beaucoup plus grande que les dortoirs des pensionnaires à qui il avait eu droit durant tout son séjour passé. Une chambre plus grande même que celle qu'il avait quand il vivait encore chez ses parents. Une énorme chambre. Une énorme et superbe chambre. C'est comme si les décorateurs avaient su à l'avance que c'était lui qui allait hériter de cette pièce, et qu'il l'avait décoré spécialement pour lui. La tapisserie était beige, avec un effet de stores, et ornée de pictogrammes rouge et noir. Le sol, du parquet beige lui aussi, et le plafond, blanc. C'était clair, très clair, et accueillant, et chaleureux, pas comme les murs de pierre froids des anciens dortoirs. Et les meubles, neufs. Un grande armoire, qu'il allait pouvoir remplir comme bon lui semblait ; un bureau, agrémenté d'une lampe ; une petit télé accrochée au mur - depuis combien de temps n'avait-il pas regardé la télé ?! ; une table de nuit sur laquelle une lampe de chevet était posée ; et un lit, couvert d'une couette noire avec un grand pictogramme rouge dessus, s'harmonisant parfaitement avec la tapisserie.
Lit sur lequel il se jeta sans réfléchir. Sans même prendre ses valises, qu'il laissa dans le couloir, il fonça et se lança sur le lit. En retenant son souffle, comme s'il plongeait dans une piscine. Il s'étendit, la tête contre l'oreiller, et soupira d'aise. Si ça c'était pas la belle vie, c'était quoi ? Il ferma les yeux, et sourit, franchement. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien. Il songea un instant à cacher l'élue de son cœur dans cette si grande chambre, sous ces draps...
Il rouvrit les yeux quelques minutes plus tard, et tourna la tête vers la porte toujours ouverte et les valises n'ayant pas bougées du couloir. Il se leva donc à contre-cœur et récupéra les valises avant de fermer la porte. Il se rendit alors compte qu'en plus d'une grande chambre, il avait également droit à une salle de bain personnelle ! Ni une ni deux, après avoir balancé sa clé si précieuse - eh oui, l'étape de la contemplation est déjà finie - sur son bureau, où elle atterrit très juste, il attrapa dans son sac d'habit un vieux tee-shirt et un bas de survet' qui lui faisait office de pyjama, et fonça sous la douche. Il se prélassa pendant près d'une demi-heure sous l'eau brulante, chantant avec la radio.
Quand il ressortit de la salle de bain, il avait les cheveux trempés, en bataille, comme il l'aimait tant, et un grand sourire sur les lèvres. Il jeta un regard à sa montre, et jugeant l'heure assez tardive, il farfouilla dans son sac à dos pour trouver son MP3 et une fois à la main, se glissa dans sous sa couette. Il soupira un grand coup, regardant les affaires qui trainaient déjà sur le sol, et de promis qu'il rengerait tout correctement le lendemain... pour pouvoir remettre du bazar partout comme il le fallait par la suite. Il soupira encore une fois - décidément il arrête pas ! - enfonça ses écouteurs dans ses oreilles, se coupant de tout bruit extérieur, se tourna sur le côté, passa son bras derrière sa tête, ferma les yeux, et s'endormir, quelques minutes plus tard.